Mehdi est ingénieur dans une joint-venture algéro-américaine. S’il parle au passé de ses hobbies, c’est parce que depuis un an, les choses ont radicalement changé dans les bases-vie et les sites pétroliers. «Depuis la prise d’otages, notre vie est devenue un cauchemar, poursuit-il. Nous n’avons plus aucune possibilité de bouger. Lorsque nous ne sommes pas sur nos machines, nous restons cantonnés dans nos chambrées ou dans le foyer et la cantine. Même nos parcours sont balisés au sol, pas moyen de dévier du chemin tracé.»
De l’avis des travailleurs des sites gaziers et pétroliers à qui El Watan Week-end a posé la question, la sécurité des bases a été clairement renforcée : les agents sont plus nombreux, plus en éveil. Quant à la présence – ressentie – des militaires ou des gendarmes, elle reste invisible sur les lieux de travail ou sur les bases-vie. «Ils sont là, mais nous ne les voyons pas. Si par malheur l’un d’entre nous s’aventure dehors, même pour prendre l’air, ou prend un chemin de traverse pour rallier la base-vie ou les installations de pompage, il sera immédiatement intercepté par des militaires, fondus dans le paysage», explique Tahar, manœuvre dans un site de pompage.
Drones
Après l’attaque, les autorités ont agi sur plusieurs axes : elles ont d’abord déployé plus de 20 000 hommes pour verrouiller la frontière avec la Libye et autant d’hommes à l’extrême sud du pays afin de prévenir les infiltrations d’hommes et de matériel. En parallèle, des troupes et des pelotons de gendarmerie se sont déployés autour des principaux sites stratégiques isolés. L’armée de l’air a également contribué aux opérations de sécurisation. «L’état-major a envoyé la majorité de ses appareils à Ouargla et Tamanrasset, comme bases principales d’intervention. Les 121 et 122 escadrons multirôles, composés de Sukhoi 30 y sont dispatchés et assurent des missions de surveillance et de frappes chirurgicales. Ces appareils alliés à des avions ravitailleurs ont la capacité de frapper bien au-delà des frontières est et sud», précise un expert du forum ForcesDZ, très au fait des efforts de l’ANP dans la lutte antiterroriste.
«Pour ce qui est des interceptions aériennes des convois terroristes, ce sont les hélicoptères d’attaque du 1er régiment d’hélicoptères de combat alliés aux hélicoptères de transport du 6e régiment d’hélicoptères de combat, qui s’en chargent. Les forces aériennes déploient aussi tous leurs moyens de reconnaissance optiques et électroniques à Tamanrasset, In Amenas, Illizi, Ouargla et Biskra. Cela va des petits drones Seeker II aux avions de reconnaissance américains Beech 1900 MMSA. C’est pratiquement l’ensemble de l’effectif de la 5e escadre de reconnaissance et de guerre électronique qui est dispatché dans le grand Sud.» Les résultats se sont immédiatement fait sentir : plusieurs convois transportant des terroristes et des armes ont été interceptés et détruits dans l’axe Tamanrasset-Illizi, une immense cache d’armes a même été découverte et détruite à 200 km d’In Amenas en octobre dernier, pile sur le tracé de la frontière avec la Libye.
Missiles
Des centaines d’armes, dont des missiles portables anti-aériens et des mortiers et d’autres armes lourdes y ont été retrouvées. Jusqu’à aujourd’hui, l’armée a réussi à contenir et à gérer le reflux des terroristes d’AQMI et du Mujao fuyant les combats au nord du Mali. Mais la question que les spécialistes posent : jusqu’à quand l’armée pourra soutenir un tel déploiement dans une région aussi vaste ? Un opérateur privé, spécialisé dans les nouvelles technologies, et dont la société qui a pour partenaire un des leaders mondiaux de la surveillance aérienne, a proposé aux autorités, pour l’instant en vain, de louer des drones à Sonatrach sur l’ensemble des sites sensibles.
En contrepartie : des effectifs 100% algériens et une gestion des données uniquement prise en charge par l’armée. Ces drones à longue endurance et drones hélicoptères pourraient patrouiller autour des sites, au moins pendant la nuit. «Ce mode de surveillance permet d’alléger les effectifs déployés autour des sites pétroliers et d’économiser beaucoup d’argent, explique le promoteur. Un tel service ne coûterait pas, par an, le tiers de ce que produit le site de Tiguentourine en une journée.» Mais selon lui, les premiers contacts ne sont pas très encourageants, l’idée ne semblant pas séduire les autorités. Alors quelle autre option reste-t-il ?
Accorder plus de pouvoir aux sociétés de gardiennage privées algériennes ? Assumer enfin le rôle joué par les officines de sécurité internationales agissant depuis des années dans l’illégalité en Algérie, la tragédie de Tiguentourine ayant mis au grand jour l’identité et les prérogatives d’une victime française, parachutiste à la retraite, travaillant pour le compte d’une société non agréée pour des missions de sécurité ? Ces questions restent posées et doivent êtres tranchées au plus vite.